« Monsieur Yoon, revenez sur terre. »

Il fronçait les sourcils, et tournait son visage vers le professeur qui s’adressait à lui. Encore une fois, pour la sixième fois de la semaine, ou bien de la journée, il rêvassait, il pensait à autre chose et ne se concentrait pas sur le cour qui avait lieu. Pourtant, Shin Hwa a toujours adoré les cours qu’il suivait depuis le début de sa scolarité à Myria Shkoly. Ce n’était pas comme si il était venu de force ici, comme les nés-moldus, nouveaux arrivants dans cette immense école remplis d’humaines et bêtes incroyables. Cette école n’était pas si normale que ça. Elle recouvrait davantage que la normalité de la sorcellerie en elle-même. Est-ce normal d’y trouver des vampires et des loups garous d’après-vous ? D’après le frère ainé de Shin Hwa, y trouver des nés-moldus n’était pas moins une anormalité que ces bêtes sanguinaires et incontrôlables. C’était à ça qu’il pensait – à ce que ses parents disaient, ses frères, ses sœurs, à ce qu’il serait devenu si lui aussi avait été né-moldu ou bête sanguinaire, comme le disait si bien son frère. Un léger rire traversait ses épaules, interrompant le sermon du professeur. Il déglutissait difficilement sous le regard noir et le froncement des sourcils du professeur. Il savait qu’il avait encore moins bien fait de rire plutôt que d’accepter de dire qu’il avait eu tort de ne pas écouter et de s’excuser. Il savait que ça lui couterait bien une retenue dans deux ou trois heures, mais Shin Hwa n’irait pas – il n’y allait jamais avant et n’ira jamais après. Shin Hwa a beau avoir la tête d’un élève incroyablement intelligent, il n’en était pas moins un gamin puérile et très prétentieux. Il préférait se créer des ennuis plutôt que de montrer son côté génie et devenir la bête de foire. C’était ça qu’il voulait éviter à tout point de vue – le regard des autres, et l’intéressement des autres à lui. C’était si hypocrite, qu’il savait déjà comment tous agiraient à en sa faveur. Tous changeraient, c’est certain. Eux qui ne lui adressaient pas la parole tant de fois que ça dans la salle de déjeuner ou en cours, ils se verraient être en masse influant vers lui pour pouvoir lui adresser la parole – comme si il était un « héros », un « génie » à vénérer. Mais il n’en était rien. Shin Hwa était juste un gamin de vingt et un ans, encore trop immature pour comprendre qu’il valait mieux se vendre, vendre son intelligence plutôt que se montrer irresponsable et mesquin en la présence d’un professeur. Shin Hwa ne changera pas. Il se l’était promis. Cependant, avait-il prédit qu’il aiderait une jeune née-moldu à son arrivée à l’école ? Une jolie jeune fille ; gentille ; mignonne – elle avait tout pour attirer le regard des plus grands prédateurs de l’école. C’est pourquoi il s’était promis de la protéger, dans son esprit, sans vraiment le lui annoncer clairement. Mais il se refusait de l’approcher de plus de cinq centimètres ou même quinze. Il valait mieux ne pas briser la distance avec les filles – car toutes ne le méritaient aucunement. Il était juste un gamin qui ne servait aucune cause, qui pleurait encore sa mère la nuit, dans son lit, et qui par mégarde avait déjà fait assez de bêtises comme cela dans sa vie.

« Merde, professeur. D’accord ? »

Il s’était levé d’un bond, et avait claqué la porte derrière lui. Ses joues étaient rouges. Son nez était luisant. Ses prunelles brillaient. Ses cheveux voletaient dans son élan de fuite. Il n’entendait pas le professeur l’appeler ou lui courir après. Ceci dit, il s’attendait déjà à une retenue dans la soirée ou le lendemain – c’était certain avec ce professeur-ci. Shin Hwa avait presque l’habitude, mais étant gardien de l’équipe de quidditch de sa maison, il se devait de faire « attention » aux remarques, aux retenues, à son comportement – tout simplement. Encore une fois, il n’avait écouté aucun de ses coéquipiers et s’était jeté dans la gueule du loup en fuyant à nouveau la vérité. Il rêvassait, et alors ? Sa présence suffisait à prouver son « intéressement ». Il descendait dans le parc de l’école, pour prendre un peu l’air. Inspirant profondément chaque bouffée d’air, chaque bouffée de vent qui claquait son visage, il se sentait lentement revivre. S’avançant toujours dans les profondeurs du parc, il venait s’assoir sur un banc auprès du lac immense qui bordait le parc en longueur, jusqu’aux bois interdits, aux bois maudits. Il s’y était rendu une fois lors d’une retenue, et il n’avait pas vraiment eu la peur de sa vie en s’y rendant de nuit. C’était même plutôt excitant comme idée. Sans s’apercevoir, des mains vinrent se poser sur ses yeux. Des mains d’une douceur incroyable. Des doigts fins. Un parfum enivrant et familier. Il fronçait les sourcils et elle venait s’installer face à lui, un sourire aux lèvres. Ses cheveux voletaient dans son élan et un sourire léger vint se dessiner sur le visage du garçon. Hae Woo. Cette née-moldu qu’il voulait « protéger ».

« Que fais-tu ici ? Tu n’étais pas censé être en cours de Botanique ? »

Il échappait un rire et tapa de sa main libre sur le banc à côté de lui, pour l’inviter à s’assoir. Ses joues étaient légèrement rosies par la douceur de ses mains, par la surprise aussi. Jamais une femme n’eut réussi à toucher sa peau, ses joues. Jamais une femme ne se fut approchée de si près.

« Je n’étais pas seul. J’ai mon ami imaginaire qui se baigne dans le lac, vois-tu ? Mhm. J’me suis cassé de mon cours de défense. Pour de vrai cette fois. Voilà la raison de ma solitude sur ce stupide banc. »

Elle pouvait paraitre drôle cette petite, mais elle n’attirait pas moins un sourire sur son visage de marbre. Sa présence le réjouissait, c’était certain – mais comment le montrer sans arborer une tête de six pieds de long ? Shin Hwa n’avait jamais été du genre à sourire pour rien, à sourire dans le vent pour quelqu’un. Il avait toujours été impassible aux avances, aux demandes de certains. Shin Hwa n’avait d’ailleurs jamais accepté de sortir avec personne, ni même de marcher avec personne. La lueur dans ses yeux brillait comme jamais. Il était totalement surpris de cette demande. Personne ne prenait jamais le temps de le faire. Ils partaient toujours en le saluant comme si il était normal qu’il se trouvât seul sur un banc dans le parc de l’école. Il aurait voulu rire, mais aucun son ne parvenait à sortir d’entre ses lèvres. Il était frustré par lui-même – frustré d’être bloquer ainsi, intérieurement. Cette jeune femme était surement la plus belle preuve qu’il pouvait avoir des « amis » qu’il pouvait aussi ressentir des choses en la présence de quelqu’un. Depuis qu’elle était arrivée, il ne cessait de sentir d’étrange sensation dans son buste, et sur sa peau. Des frissons. La chair de poule. Il déglutissait difficilement quand la jeune femme se levait déjà pour ôter ses chaussures. Sans qu’il ne puisse rien dire, elle le tirait déjà vers le lac pour y tremper ses petits pieds menus. Un petite sourire, narquois, taquin, s’était dessiné sur ses lèvres – car il était assez drôle de voir à quel point une jeune femme pouvait être épanouie à ses côtés alors qu’auparavant aucune des élèves de sa maison n’avaient osés restés plus de cinq secondes à ses côtés avec un sourire aux lèvres. La frustration était plus grande. Cependant, il était heureux, dans un sens, qu’elle le soit. Il était content de voir que Hae Woo s’épanouisse à ses côtés. Elle le tirait vers l’eau, mais il refusait catégoriquement d’y mettre un pied. Au lieu de cela, il la contemplait simplement, en train de regarder l’eau noire qui cachait ses petits pieds. La scène était assez drôle. Si il y avait eu la possibilité de la dessiner, il n’aurait pas perdu de temps. Cependant, il avait bel et bien laissé son matériel de dessin dans son dortoir, ne pensant pas qu’il serait utile en cette journée ensoleillée et pourtant si semblable aux autres. Pas si semblable, car Hae Woo brillait sous son regard et égayait sa journée d’une toute autre manière.

« Dans le lac ? Ehm. Une fois. Mais c’était dans de mauvaises circonstances. C’pas profond tant que t’avance pas trop au loin, nee ? D-D’ailleurs, arrête de t’enfoncer plus loin, j’veux pas avoir à te repêcher moi. »

Bien sûr qu’il savait nager. Sa sœur le lui avait appris. A bien des égards, ses frères et sœurs avaient été utile lors de son enfance, car tout ce qu’il ne savait pas faire, quelqu’un le lui avait appris par on ne sait quel moyen. Son grand frère de vingt-six ans lui avait appris à jeter une balle loin avec une batte de baseball. Sa sœur de vingt-deux ans, elle, s’était faite un malin plaisir à le ridiculiser devant ses amies de l’école en le laissant se trimbaler en sous-vêtements dans leur propre maison. Toutes ses petites expériences avaient forgés son caractère à présent et il s’avère que nager avait été une expérience des plus difficiles à ses yeux, car ses frères préféraient le noyer plutôt que de lui apprendre les mouvements élémentaires.

« Tu veux ma mort ? Reviens par-là, merde. »

Elle ne l’écoutait pas. Ça se voyait. Elle continuait à aller davantage vers le fond du lac, effrayant davantage le garçon. Il fronçait les sourcils et se mordait la lèvre. Il enlevait ses chaussures d’un geste, puis ses chaussettes, avant de retrousser le bas de son pantalon et s’enfoncer à son tour vers elle. Elle avait l’eau au niveau des genoux. Il soupirait et attrapait son bras d’un geste vif. Il grimaçait déjà. Sa peau contre celle de Hae Woo brûlait, s’irradiait complètement, comme si une alchimie se créait entre leurs deux leurs peaux incandescentes. Il lâchait sa prise directement, comme si il s’était brulé et passa sa main sous l’eau pour finalement éclabousser la jeune femme. Il échappait un léger rire – à peine forcé. Il voulait être heureux. Il voulait sembler sourire et être content d’être en la compagnie de quelqu’un. Au fond c’était le cas. Mais jamais encore il n’eut paru aussi peu convaincant. Elle allait surement se frustrer de si peu d’enthousiasme, mais Shin Hwa n’avait jamais été ainsi, et il ne pouvait changer en claquant des doigts.

« C’est toi qui a commencé en voulant aller crever au fond de ce lac. T’as pas l’impression qu’il est trop lugubre ? Sérieusement, la première fois que j’y suis allé, j’avais trop peur. Mes frères m’avaient forcé et je… je ne savais pas vraiment bien nagé. J-J’ai… Fin j’ai failli crever quoi.

Il déglutissait difficilement tandis qu’elle le regardait avec de grands yeux pour l’écouter attentivement. Un sourire se dessinait sur ses lèvres et il vint glisser sa main autour de son poignet pour finalement la pousser dans l’eau.

« Elle est bonne, tout de même, n’est-ce pas ? »

Un rire cristallin. Son vrai rire. Celui qu’il n’avait jamais connu, ni entendu si bien.

Il était incroyable de voir la vivacité avec laquelle elle se jetait sur lui pour le faire tomber dans l’eau. En l’arrosant, il avait en quelque sorte déclaré la guerre à la jeune femme. Un sourire sur ses lèvres se dessinait et il éclatait quelques fois de rire. Il était rare qu’il rie aussi fort, aussi promptement. Il semblait incroyablement heureux. Son état d’esprit semblait avoir complètement changé de bord grâce à la présence de la jeune femme. C’en était perturbant, certes, mais c’était revigorant à ses yeux – de crier, sourire, hurler, s’amuser, simplement. Quand il était petit, il ne demandait rien d’autre que ce qu’elle lui offrait aujourd’hui. L’amusement avec ses frères et sœurs se résumait simplement à des engueulades et des parties de chats ou de voleurs et policiers. Des jeux idiots. Des jeux de moldus, par la même occasion. Il était rare que son hyung mène la danse pour jouer avec toute la famille. Il criait qu’il fallait grandir. Il leur sortait des discours digne de grands philosophes ou de grands sorciers, simplement. Le visage de la jeune femme face à lui s’illuminait au fil des secondes qui passaient. Alors qu’ils basculaient dans l’eau, l’un contre l’autre, l’un sur l’autre, il oubliait vite le contact, le toucher effroyablement incandescent qui lui tournait la tête. Il était rare qu’il touche aux femmes. Il était rare qu’il s’amuse en leur compagnie. Un léger rire s’échappait de ses lèvres tandis qu’elle s’était relevée pour hurler sa victoire. Il n’était pas sûr qu’elle ait gagné. Il savait en revanche que sa vengeance serait davantage plus mauvaise, plus forte qu’elle le pensait. Un mince grognement s’échappait d’entre ses lèvres tandis qu’il se relevait difficilement, faisant mine d’avoir été « vaincu ». Il inspirait de profondes bouffées d’airs et jetait un regard au ciel bleu nuageux de cette douce journée. La chaleur qui émanait du soleil brulait la peau du garçon. C’était davantage une raison de se jeter à l’eau. C’était davantage une raison de continuer ce petit jeu. Il se raclait déjà la gorge, se tournant vers elle. Elle était à seulement quelques mètres. Elle était rayonnante et mouillée. Ses cheveux retombaient le long de sa colonne vertébrale. Ses joues étaient rouges par l’adrénaline. Ses prunelles dilatées semblaient rires en le voyant. Il n’était pas moins dans le même état qu’elle. Les cheveux en bataille et trempées. La tenue débraillée. Sa chemise blanche découvrant les muscles de son corps. Il n’osait pas imaginer le sermon qu’ils auraient en rentrant dans l’école dans surement une ou deux heures ou plus, ou moins.

« T’es sacrément vivace, toi. »

Il fronçait les sourcils, un sourire sur ses lèvres – sourire qui trahissait bien des choses. On savait pertinemment ce qu’il comptait faire, et ce, il n’attendait pas le feu vert de la jeune femme pour s’élancer à sa poursuite et l’attraper par la taille pour la foutre sur son dos comme un sac à patate. Jamais. Jamais il n’aurait pu croire pouvoir agir de la sorte avec quelqu’un. Elle n’était qu’une fille parmi tant d’autres. Elle était une née-moldu, est-ce que cela changeait la donne plus que si c’était une sang pur ? Il ne voyait d’ailleurs pas la réelle différence entre ces deux « races », comme disaient ses propres parents. Etre né-moldu ça devait être une tare, mais à ses yeux c’était si merveilleux, de pouvoir découvrir davantage qu’un monde magique parsemé d’embuches à cause de son sang et du rang de ses parents. Pour lui, la vie ne se résumait qu’à écouter sa mère, son père, sa famille – il ne l’eut jamais fait. Mais il y était contraint par moment. Il y était contraint quand la vie de famille était en jeu et non la sienne. Perdu dans ses rêves, elle eut le temps de redescendre de son épaule et l’éclabousser. Sans savoir pourquoi, il l’avait attraper en dessous de ses genoux, la hissant dans ses bras, avant de la jeter « par-dessus bord » dans l’eau légèrement refroidissante. L’adrénaline était là, dans son sang, dans ses veines, dans ses mouvements, dans son esprit. Il rêvait de cela depuis si longtemps qu’il n’était pas persuadé que ce soit réel. Pourtant, cela semblait réellement l’être et un sourire difficile à comprendre, à cerner, s’était dessiné sur ses lèvres. Un sourire mi narquois, mi heureux, mi grimaçant.

« La vengeance est un plat qui se mange froid, petite. »

Il se jetait sur elle et tentait de lui mettre la tête sous l’eau. Seulement, elle se débattait. Seulement elle contrait ses mouvements, ses gestes les plus futiles, l’empêchant ainsi d’accomplir ce qu’il désirait faire de la demoiselle. Ainsi, ils se retrouvaient à nouveau la tête sous l’eau, l’un et l’autre. Il ouvrait ses yeux. Il parvenait à voir sa silhouette, et ses cheveux voletant dans les courants de l’eau. Il manqua de rire, mais se retint, à moins de vouloir s’étouffer, de vraiment se noyer. Une étrange envie parvint à le faire sortir de sa contemplation. Ses lèvres. Attirantes. Un frisson traversait son échine. Leurs visages s’étaient rapprochés réellement, dangereusement. Il remontait à la surface d’un coup, sans réellement comprendre pourquoi il reculait.

« Echec et mat ? Déjà ? »

Sa tête sur son épaule, il frissonnait déjà, les yeux grands ouverts, surpris. Il n’avait pas l’habitude qu’une fille pose sa tête sur son épaule. Il n’avait pas l’habitude non plus qu’une fille lui tienne la main. C’était une nouvelle sensation, une étrange sensation. Il se demandait si ils étaient amis, ou plus. Il était à la fois perdu, mais heureux. Jamais encore Shin Hwa ne s’était senti aussi vivant. Il semblerait que Shin Hwa devienne un homme, sans qu’il ne le sache lui-même. Il s’agit d’une étrange image, n’est-ce pas ? Que de se voir, finalement, heureux, avec une fille tout aussi jolie que celle qu’il voulait inviter au bal de Noel de l’an dernier. Il se prenait souvent des gifles, ou des éclats de rires. Shin Hwa n’était pas si beau que ça – c’était ce qu’il se disait à force d’être blessé par les jeunes femmes de l’école. Il inspirait profondément une bouffée d’air. L’odeur des cheveux, l’odeur de son parfum, de son shampoing, arrivait à ses narines. Il aimait ce parfum sans le savoir. Il se délectait de son odeur et souriait davantage. C’était réellement une étrange sensation. Ses battements de cœurs étaient plus forts. Son pouls s’accélérait. Il se mordait la lèvre au fur et à mesure qu’il lui jetait un regard furtif. Shin Hwa perdait pied et oubliait qui il était réellement. D’ailleurs, qui était-il pour ne pas apprécier ce genre de moment si rare, si précieux dans sa vie ? Il tournait son regard vers elle, se mordant la lèvre et échappait un sourire.

« Ehm. Voui. Ca fait du bien le soleil. »

Que pouvait-il dire d’autre quand il était lui-même perturbé par ce qui l’entourait ? Cette atmosphère était particulièrement étrange, et différente de ce qu’il avait connu jusque-là, même avec une fille. Hae Won était la première à l’accepter. Hae Won était la première à le faire rire, sourire. Hae Won était la première à le toucher. Hae Won était la première qu’il semblait finalement désirer. Il souriait bêtement. Il se perdait dans des images subtilement trop romantiques, trop amoureuses, trop magiques, tandis qu’elle se pressait contre lui. Un vent glacial parvint à les faire frissonner. Il se tournait d’un geste vif vers elle et se levait doucement pour l’attraper par la main et se diriger vers l’herbe ensoleillée à quelques mètres du lac. Il ne lui laissait pas le choix. Il la tirait à sa suite sans se préoccuper de ce qu’elle pensait. Il ne voulait pas se mettre un rhumatisme ou une grippe sur le dos pour la jeune fille. Un soupir s’échappait de ses lèvres tandis qu’il se laissait brièvement tomber dans l’herbe légère, lâchant délicatement sa douce main.

« On est mieux au soleil et au sec, nee ? Je ne voudrais pas que tu attrapes la crève à cause de moi, alors assis toi et sèche toi davantage. Erm. S-Si… »

Il ôtait sa veste noir trempée. Petite veston obligatoire dans l’uniforme de l’école lors de cet été ensoleillée et particulièrement chaleureux. Il l’étalait à son côté pour laisser sécher le vêtement et s’allongeait à nouveau, fermant les yeux pour inaugurer le moment. Il oubliait qu’elle était là, mais ses songes ne pensaient qu’à elle. Elle apparaissait à chaque battement de cils. Elle apparaissait dès qu’il fermait les yeux pour calmer l’ardeur de ses battements de cœur trop vif. Hae Won était juste une fille pour qui il ressentait de la vraie sympathie. Cependant, quelque chose clochait dans leur relation. Certes la demoiselle était tactile, mais il n’en était pas moins qu’il ressentait des choses étranges en la présence de la demoiselle. A vrai dire, Shin Hwa n’a jamais eu de réelles amourettes dans sa petite vie de sorcier. Il n’a jamais eu de premier amour, d’ailleurs. Un soupir s’échappait d’entre ses lèvres et il se redressait tandis qu’elle n’avait pas bouger, et le fixait toujours.

« Tu comptes sécher debout ? Ca peut toujours être bien, mais ce n’est pas pratique si moi, je suis à terre, pour parler, nee ? »

Il souriait. Sincèrement. Ses dents se dévoilaient. Son visage s’illuminait. Il tendait sa main vers Hae Won et l’attrapait pour la tirer vers lui. Seulement, il n’avait peut-être pas prévu qu’elle était légère comme une plume. Seulement, il n’avait pas prévu qu’elle tomberait sur lui, littéralement, et qu’il retomberait sur le sol, sa tête cognant sur l’herbe. Il échappait un léger grognement, et poussa un soupir lourd en se mordant la lèvre. En ouvrant les yeux, il se retrouvait nez à nez avec elle. Leurs jambes s’étaient entremêlées. Leurs lèvres se frôlaient. Leurs souffles se mêlaient. Il était davantage surpris que quand elle avait posé sa tête sur son épaule. Il la fixait, retenant sa respiration du mieux qu’il pouvait. Son cœur battait dans sa poitrine, s’écrasait sur sa cage thoracique. Il allait surement faire une crise cardiaque si elle ne bougeait pas, mais le problème… c’était que c’était confortable et complètement parfait. Il adorait ça.

« A-Aish. P-Pardon. T’es… T’es légère… Dis donc. »

Un petit rire et il se frottait le front, gêné, tandis que leurs regards ne se quittaient pas et que ses mains s’étaient posés sur la taille de la jeune femme pour se relever tout en en la repoussant doucement.

Surpris.
Décontenancé.
Perturbé.
Incontrôlable.
Désespéré.

Il aimait ça. Il adorait ça. Ses paupières se refermaient instantanément. Ses mains glissaient et ses bras entouraient davantage la taille de la jeune femme. Il eut suffi d’une brindille pour que cela arrive, non pas de son plein gré, mais de celui de la jeune femme. Hae Woo. Il n’aurait jamais cru cela d’elle. Il n’aurait pu imaginer cette scène se produire un jour. Il ne pouvait y réfléchir davantage. Son esprit était d’autant trop embrouillé que quand il s’était amusé à l’arroser dans le lac à quelques pas d’eux. Allongé à son côté, il tentait de réduire davantage la distance qui les séparaient en collant son buste contre elle. Il suffisait d’un baiser pour réagir comme n’importe qui aux pulsions d’une « amourette » possible. Ses lèvres se mouvaient contre celles de la jeune femme. Plus les secondes passaient, plus elles paraissaient être des minutes ou des heures. Il perdait inlassablement la notion du temps. Dans sa vie, Shin Hwa n’avait eu que très peu de petites amies – une ou deux – à peine. Durant son enfance et adolescence, il en avait rencontré des gentilles, des narcissiques, des mauvaises. Aucune d’elles n’avaient voulus lui offrir son premier baiser. Aucune d’elles n’avaient voulus devenir sa première fois. Shin Hwa était réduit à l’état de cocon. Le cocon éclot enfin en la présence de Hae Woo. Le papillon qui le représente se faufile à travers les feuilles d’arbres, les buissons et l’herbe verdoyante, prouvant au monde qu’il pouvait aussi avoir son premier envol. Ce ne fut qu’au moment où elle rompu le baiser qu’il reprenait ses esprits et retombait sur terre. Un frisson parcourait son échine. Son regard fixait celui de la jeune femme. La brindille encore dans sa main droite, il la regarda quelques instants, la remerciant presque de lui avoir offert ce moment. Perdu dans ses pensées et sa contemplation, il n’osait dire mot. Perturbé et intimidé, il se mordait juste la lèvre face à elle, inspectant chaque sensation qui émanait de la jeune femme à son tour. Il se sentait étrangement attiré par elle. Il en voulait encore. Son cœur battait contre sa cage thoracique. On aurait cru qu’il allait exploser à l’intérieur de lui tellement les battements de celui-ci semblait incontrôlables et irréguliers. Il manquait d’air, d’ailleurs. Il inspirait profondément des bouffés d’air, mais l’adrénaline de ce baiser ne l’aidait décemment pas à calmer sa respiration et ses ardeurs. Malgré le fait qu’elle ait reculé doucement, ses bras entouraient encore sa taille. Ses mains s’étaient rejointes dans son dos, et il était difficile d’esquisser un geste sans se retrouver à nouveau nez à nez avec elle et capable de l’embrasser à nouveau, à son tour. Il déglutissait difficilement et lâchait doucement sa taille pour reculer à son tour et s’assoir en tailleur au lieu de rester allongé. Cette situation devenait difficile à gérer, il le savait.

« Ah… Euh… J-Je… »

Il bégayait comme un idiot. Il ne supportait pas de perdre le contrôle ainsi. Il l’avait déjà fait des tonnes de fois rien qu’avec ses frères et sœurs. Ils disaient qu’il était exaspérant. Ils disaient qu’il faisait pitié. Shin Hwa déglutissait encore et encore, mais sa salive prenait bien du temps à glisser dans sa gorge, provoquant davantage de stupeur et de frayeur en lui. Il inspirait profondément une bouffée d’air et se relevait doucement avant de tendre sa main à Hae Woo. Gentleman, il ne l’était pas. Il s’agissait juste de la situation qui l’obligeait à agir de la sorte. De plus, n’avait-il pas promis de prendre soin d’elle et de la protéger quoi qu’il se passe ? il se mordait la lèvre à nouveau. Leurs doigts s’entremêlaient quand elle attrapait sa main. Il sentait sa paume chaude brulé la sienne. Ce n’était pas désagréable. C’était différent des instants précédents où elle l’avait tiré au bord du lac en tenant sa main. Il n’y voyait pas rien de bien mal. Mais maintenant, qu’en était-il ?

« C-C’était u-une… erreur, hein ? »

Il s’était tourné vers elle. Ses doigts avaient frôlés sa joue pour déplacer une mèche de cheveux volants sur son front. Il souriait doucement. Ses yeux ne quittaient pas Hae Woo du regard. Il inspectait davantage chacun de ses traits, maintenant qu’il se trouvait à une distance à peu près convenable. La courbure de son nez était jolie. Ses lèvres étaient plutôt charnues et délicieuses. Il échappait un frisson. Il y avait gouté sans le vouloir. Il n’aurait jamais dû y céder quand elle l’avait embrassé. Il aurait dû faire quelque chose au lieu de se laisser faire, bêtement. Se raclant la gorge, il voulait tenter de changer de conversation. Seulement, dans son esprit, le baiser revenait inlassablement, par brides de souvenirs, par flash. C’était merveilleux à ses yeux. Il était d’une douceur et d’une volupté. Il détournait son regard. Il voulait se détacher d’elle, s’éloigner, mais sa main était dans l’incapacité de se défaire de la sienne.

« Je viens ici dès que je suis…. S-seul ? Et qu’éventuellement, un nouveau professeur m’aura mis hors de moi. M’enfin, c’est assez rare, disons… Ehm. T-Tu… Tu veux découvrir les lieux les plus jolies du parc ? Il y en a pleins, mise à part le lac, tu l’as déjà vu et… tester. »

Un rire s’échappait de ses lèvres. Ils se rappelleraient sans nul doute, tous les deux, de leurs premiers moments dans ce lac. Shin Hwa serait incapable de l’oublier, baiser ou pas.