Si certains désirent croiser au moins une fois dans leur vie ce fameux miroir, pour ma part ce n'est pas mon plus grand désir. Cependant me voilà devant et je n'ose pas m'avancer. Ayant toujours vécu au jour le jour sans penser à ce qui pourrait m'arriver de mieux dans la vie, j'ignore donc tout du spectacle qui m'attend. Le stress monte. N'ayant jamais un jour réfléchit à ce que je désirai vraiment, affronter mon subconscient m'effraie au plus haut point. C'est finalement après de très longues minutes d'hésitations, l'envie notamment de faire demi-tour en espérant ne plus le revoir je finis par l'affronter.
Maintenant je pourrai affirmer connaître mon désir le plus profond... Aussi étrange que cela puisse paraître il s'agit d'une chose toute simple. Je ne pense pas que beaucoup de gens voient une telle chose. Positionné face au miroir, c'est ma mère et celui que je suppose être mon père qui m'entourent, souriant. Une famille. Voilà quel est donc mon plus grand désir. Être entouré de parents aimants. Surprenant pour moi qui n'ait jamais envié les enfants m'entourant ou espéré obtenir quoi que ce soit. Comme quoi, même quand on pense être satisfait d'une situation bien qu'elle ne soit pas parfaite on désire toujours secrètement l'amélioration de celle-ci.

➢ choix deux : Ayant toujours connu ma mère saoule dans un état pitoyable je me suis juré de ne jamais touché à une seule goutte d'alcool ou encore à de la drogue. Quand on connait les ravages qu'ils provoquent difficile de vouloir en arriver au même point. Fêtard oui mais pas de la façon dont on peut l'imaginer. Contrairement à beaucoup jeunes gens de mon âge j'ai une conception de la fête différente. Ainsi, peu surprenant de me trouver à étudier plutôt que d'être entouré de personnes se vautrant dans la luxure. Les études ont toujours été ma priorité, mon refuge même. C'est la chose à laquelle je me raccroche. Toute fois, ce soir un de mes défauts ou allez savoir une de mes qualités risque de me jouer des tours. Je ne me qualifie pas spécialement comme un lèche bottes, disons plutôt que je voue une certaine admiration pour les personnes détenant un savoir plus conséquent que le mien. De plus, je ne sais pas dire « non » ou alors ça me demande de nombreux efforts me déchirant presque. Malheureusement, les circonstances sont telles que malgré la proposition tout à fait plaisante de mon professeur je me dois de refuser. Situation délicate en effet. Je crains toujours de vexer les gens... De mal paraître à leurs yeux... Malgré tout je suis tout à fait capable de me faire plaindre, prendre une bouille de chien battu et parvenir à obtenir ce que je veux. Ainsi, bien qu'ayant mauvaise conscience je me présente à mon professeur et lui expose ma situation, en faisant des tonnes, l'air très affecté par tout ça, au bord des larmes presque. Je suis pas un très bon acteur, je déteste même mentir mais disons que les circonstances étaient spéciales cette fois-ci.

Les né-moldus ? Je ne peux que les comprendre. Après tout même si je ne suis pas un foudroyé mon introduction à la vie magique fut tout aussi brutale et pleine de découverte. D'ailleurs, lors de mes premiers pas à Mriya Shkoly j'ai souvent été le sujet de nombreuses brimades. Un sang de bourbe et un né-moldu pour les autres sorciers c'est donnant donnant. Des intrus, voilà ce qu'on est pour eux, en un sens ça peut se comprendre mais dans un soucis d'intégration mais surtout de soutien je préfère me montrer sympathique. Il m'arrive même souvent d'aider les nouveaux et leur apporter des conseils au cas où pour ne pas s'attirer les foudres de sang purs.

Aussi loin qu'il se souvienne, Chul Hei a toujours eu le sentiment d'être spécial. Non pas par ses capacités mais plutôt pour le sort s'acharnant sur lui. Allez savoir pourquoi, sa génitrice jugea bon de nommer son unique fils ainsi. Comme un ultime espoir pour qu'il soit heureux et garde le sourire dans les moments les plus sombre. « Quelle idiote. ». Bien qu'à cette époque là tout était encore possible, elle savait dans le fond que ça ne pourrait qu'empirer.
Ce fils né d'une union improbable entre une insignifiante petite vendeuse et un très célèbre et respecté homme d'affaire marié vira au drame. Vous savez, ces scénarios qu'on ne voit que dans les films où la femme tombe enceinte pour gagner l'homme qu'elle aime. Sachez que ces fins tragiques arrivent systématiquement. Il ne quittera jamais sa femme pour vous... Et cela, la mère de Chul Hei l'apprit à ses dépends. Sombrant progressivement dans la dépression et l'alcoolisme, le jeune garçon qu'il était devenu, âgé tout juste de sept ans devait se débrouiller seul. Une lourde tâche quand à un stade si précoce vous ne connaissez votre mère que sous l'emprise de l'alcool, le lieu qu'on considère comme son foyer ressemble plus à un taudis et que vous êtes en charge de vous nourrir par vos propres moyens. Toutefois, Chul Hei ne s'est jamais plaint. Compréhensif, c'était lui qui jetait les bouteilles vides jonchant le sol, encore lui qui venait la réconforter quand malgré l'alcool son chagrin était trop fort. De l'empathie. Voilà ce qu'un si petit bonhomme a toujours éprouvé pour sa mère ou quiconque en état de détresse. Cette capacité à écouter, réconforter, trouver les bons mots au bon moment. Un talent que peu de personnes possèdent de nos jours. Mais si à l'aube de sa vie cette capacité lui permettait d'avoir quelques gestes affectifs de sa mère, il découvrit très vite que son comportement mature et si dévoué lui causerait bien des ennuis.

Plus Chul Hei grandissait et plus les tâches dont il était incombé s'alourdissaient. Le silence restait de rigueur. Jamais ne lui serrait venu en tête l'idée folle de partir. Où irait-il ? Abandonner celle qui souffrait par sa faute paraissait si cruel pour ce jeune garçon loyal. Il ne prenait pas non plus la peine de se rebeller, canalisant toute la colère éprouvée par instant dans ses études. Là dessus rien à redire. Chul Hei avait toujours été le premier de la classe. Même lorsque les temps avaient été dur, hors de question pour lui de remettre à plus tard. Passer des nuits entières après les tâches ménagères ne lui faisait pas peur. Généreux ? Je doute que le terme soit approprié. Disons simplement que sa bonté de coeur en font un jeune garçon attentif, fidèle et d'une douceur incroyable. Bien d'autres serraient probablement devenu agressifs, téméraires ou une autre connerie mais pas lui. S'élever seul, grandir prématurément vous fait sauter toutes ces étapes inutiles dans la vie d'un homme. Toute fois, il manquait quelque chose pour que son achèvement soit complet. L'amour. Une notion si abstraite. Pourtant Chul Hei se renseignait autant que possible sur le sujet. Livres, films, psychologie, témoignages... Sans résultats. « Pour comprendre l'amour il faut le vivre. ». Foutaises oui ! Ayant toujours été très rationnel et terre-à-terre, toute chose n'ayant pas d'explication concrète et scientifique ne pouvait tout simplement pas exister aux yeux du jeune homme. Logique non ? C'est donc tout naturellement qu'aucune femme n'a encore pu voler son coeur. Qu'importe son âge, de part son histoire, il faisait systématiquement fuir. L'insouciance, la naïveté dont pouvait faire preuve les enfants de son âge l'agaçait profondément. Cela prit de telles proportions qu'à quelques exceptions prêt il fut l'objet de nombreuses brimades. Les gosses sont cruels, rien de nouveau... On comprend mieux l'immense solitude et la tristesse éteignant ses yeux. Il lui en fallu plus pour être abattu. La lassitude ne fit son apparition qu'à l'âge de douze ans quand, une nouvelle fois sous l'emprise de l'alcool, sa mère ramena un homme à la maison.

La figure paternelle, un concept de plus pour ce garçon sans repères. Imaginez le choc.
Aujourd'hui encore, Chul Hei se rappelle de cette nuit où il le vit apparaître derrière sa mère. La première chose qui le frappa fut sa taille si imposante. Plutôt frêle de nature, un sentiment de peur lui tordait le ventre avec une telle intensité qu'il fut incapable de le saluer proprement. Toisé du regard par cet homme au visage froid et fermé, comme à son habitude il apporta le repas à sa mère et son invité avant de filer dans sa chambre. Assit sur son lit, le regard perdu dans le vague il écoutait avec attention ce qui se passait dans l'étroite pièce à vivre. Si jeune et déjà bien au courant de choses dites « pour les grands ». Il devait être aux alentours de deux heures du matin quand la sensation d'une main tiède et moite glissant sur son bras le réveilla mais aussitôt une autre main se plaqua sur sa bouche avec force. Ce qui arriva par la suite reste le pire de ses souvenirs à ce jour. Jamais sa mère ne fut au courant des évènements. À quoi bon ? Ils ne se parlaient plus. Ils ne s'étaient jamais parlé pour tout dire. Les simples mots qu'ils échangeaient concernaient le repas ou les choses qu'il devrait acheter en rentrant de l'école. Alors confier ce viol... Tout simplement impensable. Se murant dans un silence que personne ne remarqua, Chul Hei commença à doucement sombrer. Quelle était la raison à tout ça ? Étais-ce une punition pour l'orgueil dont sa mère avait fait preuve en tombant volontairement enceinte ? Persuadé qu'il devait payer les pots cassés, le jeune garçon perdait progressivement le goût de vivre. Se contentant du strict minimum pour ne pas alerter les services sociaux, il faisait à de multiples reprises courir une lame de couteau sur diverses parties de son maigre corps, inspectant avec une certaine fascination le chemin parcouru par son sang avant de s'échouer sur le sol de la cuisine. Passe temps morbide auquel s'ajouta un repli sur soi même dont n'importe quelle mère digne de ce nom se serrait inquiétée.
Renfermé sur lui-même, Chul Hei passait tout son temps le nez plongé dans les livres. Eux au moins ne pouvaient pas lui voler quelque chose ou le blesser. En leur compagnie il se sentait étrangement bien. À l'aube de ses quatorze ans, ce jeune homme en devenir allait voir sa vie prendre un tournant radical.

Un soir, alors qu'il s'engageait sur le chemin menant au petit appartement miteux partagé avec sa mère, la plus improbable et cauchemardesque des rencontres eut lieu. Impossible pour l'homme qu'il était devenu d'oublier cette carrure, ce visage, cette voix... Son corps tout entier brûlait de douleur à sa simple vue, aux souvenirs qu'il réveillait en lui. Pétrifié par ces retrouvailles dont il se serrait bien passé, Chul Hei constata avec effroi que son violeur le reconnaissait au sourire étirant ses lèvres. À mesure qu'il approchait, son corps trouva finalement la force de se mouver et avec pour motivation la peur l'animant, le jeune homme prit ses jambes à son cou. Sur ses talons son violeur, bien décidé à profiter une fois de plus de sa victime devenue bien plus alléchante à son goût. La course effrénée dans laquelle il se lança mena Chul Hei dans un quartier dont il n'avait connaissance. Alors qu'il jetait de nombreux coups d’œils en vitesse aux habitations et magasins, son corps heurta de plein fouet quelque chose de dur. Malgré une douleur lancinante dans la poitrine, sa seule obsession restait de fuir. Avant même qu'il n'ait eu le temps de se relever complètement, il sentit une main le tirer vers le haut pour reprendre la course. Les yeux rivés sur cette longue chevelure brune et ce corps si frêle, Chul Hei la suivait aveuglément, sans trop comprendre. Après dix minutes de plus ils échouèrent derrière un imposant portail que la demoiselle referma comme par magie sur eux. Elle se tenait face à lui, radieuse, essoufflée mais souriante. Ce fut à cet instant présent qu'il comprit. Plus rien ne serrait pareil maintenant qu'ils s'étaient rencontrés.
Na Yung. Ou l'extrême opposé de Chul Hei. Souriante, enthousiaste, impulsive, optimiste, tête en l'air, naïve. Mais si attachante. Il avait trouvé en sa compagnie un moyen de souffler, se changer les idées, retrouver petit à petit goût à la vie. Apprendre à sourire un peu plus naturellement et s'ouvrir au monde extérieur. Bien trop orgueilleux pour l'avouer, la vérité est que Na Yung l'a façonné. Si aujourd'hui Chul Hei se trouve à Mriya Shkoly c'est en parti grâce à elle. Découvrir son sang sorcier ne fut pas tâche facile pour la jeune femme qui à grand renfort de démonstration parvint à lui faire comprendre l'inévitable. Son père devait probablement avoir du sang magique ou il n'était qu'un sang-de-bourbe. Choc incommensurable pour cet adolescent pourtant tellement rationnel, il découvrait petit à petit grâce à l'aide de son amie un monde inconnu remplit de choses défiant toutes explications. C'est ainsi qu'il fit ses premiers pas à l'école de sorciers. Bien moins renfermé, il n'en reste pas moins un jeune homme calme au sang froid implacable. Sa soif de connaissance déjà conséquente s'accrue à son entrée dans l'enceinte de l'établissement et en dépit des nombreuses réflexions douteuses qu'il peut recevoir, Chul Hei continu son chemin, toujours aussi attentif aux autres et prêt à aider quiconque en manifeste le besoin.