« Un bébé médicament, je n’étais que ça, un bébé médicament ».
Avez- vous déjà ressenti ce vif sentiment de géhenne ? Avez-vous déjà eu cette sensation de n’être rien, de n’être qu’un vulgaire objet de souffrance, de n’être là que pour les intérêts d’autrui ? Avez-vous déjà eu la brûlante envie de crier, de hurler au point de détériore vos poumons ? Avez-vous déjà subi, vécu, quelque chose qui vous pousse à avoir le désir de n’être que poussière ? Comment aurez-vous réagi en apprenant que votre présence sur Terre n’est en rien commune, que le seul objectif de votre existence est de sacrifier votre vie pour en sauver une autre ? Connaissez-vous la douleur qu’un être humain peut ressentir en apprenant que son destin est de mourir ? Qu’il n’est présent que pour donner vie à un autre ? Qu’il n’est qu’un projet ambitieux et surtout, qu’il n’a aucun avenir ?
Il est difficile d’imaginer qu’une mère ait l’idée de concevoir un enfant uniquement dans le but de sauver un de ses autres enfants. Quelle mère serait capable de tuer son enfant cadet pour donner de la vie à son enfant aîné ? Quelle mère aurait assez de courage pour arracher le cœur de son dernier enfant pour donner celui-ci à l’aîné de la famille ? Aucune mère, en dehors de la mienne.

« J’ai eu 20/20 à l’école, la maitresse m’a félicité, encore une fois ».
Si seulement j’avais su plus tôt que ma vie n’avait aucun sens, je n’aurai jamais perdu autant de temps à travailler aussi durement. En cours, les élèves me surnommaient « l’intello de service », parce que j’avais toujours les meilleures notes, j’étais toujours la préférée des professeurs. Mais si je travaillais autant, c’était surtout pour que ma mère soit fière de moi, pour qu’elle s’aperçoive enfin de ma présence. A la maison, ce n’était plus la grande joie, mes parents avaient divorcé deux ans après ma naissance, mon père était parti rapidement de la maison, n’acceptant sûrement pas l’idée que je sois sacrifiée, & quant à ma mère, elle était acerbe, & n’avait aucun intérêt pour moi. Le seul individu qui avait une once d’amour pour moi, c’était mon grand frère. Malgré sa maladie, encore inconnue pour moi à cette époque, il était toujours là pour moi & il était toujours celui qui me motivait dans mes devoirs. Certes, je travaillais pour l’honneur de ma mère, mais c’était aussi & essentiellement pour mon frère. Chaque fois, pour les contrôles, les devoirs, je ressortais avec les meilleures notes & je dois avouer qu’au fil des années, ma tête a énormément enflé, à force d’entendre des éloges sur mon travail & encore maintenant, c’est le cas. Je sais que je suis intelligente & c’est sûrement la seule chose dont je suis totalement fière.

« Pourquoi toi tu vis ? & pas moi ? »
Le jour où je compris que j’étais faite pour donner mon cœur à mon grand frère, je me suis totalement renfermée sur moi-même. Pourquoi n’avais-je pas le droit de vivre comme mon frère ? Pourquoi devais-je me sacrifier ? J’étais encore jeune, je n’avais aucune expérience, je n’avais pas encore profité de la vie, alors pourquoi est-ce que je devais mourir ? J’étais à peine âgée de 12 ans & je devais mourir pour sauver mon frère. Je ne voulais pas, je voulais vivre, je voulais penser uniquement à moi, je voulais être égoïste. Mon grand frère avait beau être la personne essentielle à mes yeux, dans ce genre de situation, je devenais rapidement individualiste. Je voulais vivre, point final. Pendant deux ans, après avoir appris la nouvelle, j’en voulus terriblement à mon frère & chaque fois je lui crachais au visage qu’il méritait de mourir. Aujourd’hui, je le regrette peut-être amèrement mais je sais que c’est ce que j’ai toujours pensé. Je ne peux le nier. Un homme peut être généreux, mais quand il s’agit de sa propre survie il est tout sauf généreux. Je sais que mon grand frère est mort par ma faute, parce que je n’ai rien fait pour lui, parce que je n’ai rien voulu faire pour lui, parce que je ne cessais de le rendre coupable de me tuer, & qu’il ne pouvait pas vivre avec ce poids. Je me sens épouvantablement coupable, pendant trois ans, je n’ai pu me regarder dans un miroir & ce n’est que cette année que j’ai pu faire réellement mon « deuil », mais je sais à présent que je dois vivre pour ce grand frère mort à ma place & puis je sais que son destin était de mourir, quant au mieux, il était de vivre.

« Ainsi fut l’ère de la sorcellerie. »
Après la mort de mon grand frère, j’ai abandonné ma mère, je n’avais aucun amour pour elle au final & elle non plus. Elle n’est qu’une étrangère à mes yeux. Je suis donc partie à la recherche de mon père & c’est ainsi que je l’ai trouvé dans des contrées inimaginables. Qui aurait-imaginé qu’il existait deux mondes, celui des « moldus » & celui des « sorciers ». Jamais je n’aurai eu une telle imagination, je pensais que cela n’existait que dans les films, mais je me suis lourdement trompée. Mon père est un ancien professeur de magie, c’est lui qui m’a enseigné l’art & la manière d’utiliser la sorcellerie. Jamais je n’aurai su me débrouiller seule. J’aime la magie, pour moi, c’est une chance unique de savoir utiliser une baguette, de ranger sa chambre par un simple coup de baguette avec quelques mots prononcés. Si j’avais su, avant, qu’un tel monde existait, j’aurai longuement travaillé pour aider mon grand frère à vivre encore quelques années, mais c’est trop tard, je ne peux revenir en arrière, la seule chose que je peux actuellement faire, c’est apprendre, pour peut-être plus tard, sauver des vies.